DEUX REGARDS SUR LA TRANSMISSION DE LA LANGUE BRETONNE AUJOURD’HUI

DEUX REGARDS SUR LA TRANSMISSION DE LA LANGUE BRETONNE AUJOURD’HUI

Deux chercheuses ont été invitées par le centre de formation Kelenn à Quimper, le lundi 20 janvier, à l’initiative de Stefan Moal, maître de conférence à l’Université de Rennes II. Elles sont venues présenter l’état de leur recherche aux étudiants de Kelenn. Les deux universitaires étudient la transmission du breton, qui de nos jours ne passe plus les générations de la même manière qu’autrefois, mais chacune sous un angle différent.

Chacun sait que ce n’est plus au sein de la famille, et ce depuis longtemps, que l’on apprend majoritairement la langue bretonne en 2020. Et c’est précisément au sein de familles où le breton est utilisé, ou bien serait susceptible de l’être, qu’a enquêté Katell Chantreau, doctorante en sciences de l’éducation à l’Université de Rennes 2. Elle a bien voulu partager les résultats « provisoires » de sa recherche, alors qu’elle est encore à mi-parcours de sa thèse. Katell a pu mettre en perspective, à partir d’un échantillon de 450 réponses à un questionnaire sur l’éducation en breton au sein de la famille, d’un côté le degré de transmission – ou de non transmission –  de la langue par le/les parent(s) et de l’autre un certain nombre de paramètres tels que ceux-ci : Comment les futurs transmetteurs de la langue l’ont-ils eux-mêmes apprise ? Est-ce que le père et la mère savent le breton ? Ou seul le père ? Ou bien seule la mère ? Se considèrent-ils comme militants ?…  Pour affiner le point de vue, ces résultats ont été mis en parallèle avec ceux de l’enquête TMO 2018 sur les langues de Bretagne ainsi que ceux d’un questionnaire réalisé par elle-même auprès des lycéens de Diwan. Partant de cela, et l’exercice était captivant, Katell a tenté de lister les raisons qui empêchent les parents en capacité de le faire de transmettre le breton à leurs enfants, ou de le transmettre davantage. Parmi ceux-ci, on peut citer le manque de confiance en soi – qui serait surtout le fait des femmes, selon elle -, la peur de faire des fautes, le manque de vie sociale en Breton. En forme de conclusion optimiste, l’amoureuse de la langue livrera quelques pistes pour accroître la place du Breton dans les familles, car c’est bien là, nous dit-elle, un défi de taille pour l’avenir de la langue bretonne.

Ils ne sont pas légion, dans les célèbres universités du monde, à étudier notre langue. Holly Kennard en fait partie. Maître de conférence et chercheuse sur la phonologie à l’Université d’Oxford en Grande-Bretagne, elle est originaire de Carlisle – Kêrliouelez en breton ! –  dans le comté de Cumbria, – où l’on parlait une langue proche du breton jusqu’au XIIIème siècle. Mais ce n’est sans doute là qu’un hasard. Elle étudie l’évolution phonologique du breton du fait des nouvelles modalités de transmissions justement. Elle a travaillé sur la l’accent tonique mais pour son exposé à Kelenn, son propos était les mutations et, partant, le genre des mots. L’enquête a été menée cette fois auprès de trois catégories de brittophones, locuteurs traditionnels, un groupe de personnes entre deux âges, et des lycéens de Diwan, au moyen d’images qu’il s’agissait de nommer : un chat, deux chats, trois chats… (ur c’hazh, daou gazh, tri c’hazh, en breton standard du moins…) Car s’il on sait que le système des mutations a commencé à se simplifier par rapport à la norme écrite depuis plus d’un siècle chez les locuteurs traditionnels, selon le dialecte, on assiste peut-être à l’apparition d’un nouveau système chez les plus jeunes. Il est utile de le comprendre à quiconque enseigne la langue pour reconsidérer ce qui apparait habituellement comme une faute.

Les deux conférences ont été très instructives pour les 22 étudiants de Kelenn, bientôt enseignants eux-mêmes.

Yann-Fulub Dupuy